
Pourquoi les commérages fonctionnent
Que J. et S. aient flirté à la fête du personnel. Que le/la stagiaire s’affiche légèrement vêtu(e) sur Instagram. Que N. ait postulé ailleurs et que P. gagne beaucoup plus. Qu’il s’agisse d’histoires de bureau ou de problèmes de salaire : nous participons tous volontiers aux commérages. Et même si les ragots ont mauvaise réputation, ils peuvent aussi apporter une vraie valeur ajoutée à la culture d’entreprise. Comment ça ?
Avant toute chose. Avant de mettre en lumière les aspects positifs des potins, une petite mise en garde s’impose : les commérages ne sont pas toujours constructifs. Propager délibérément des mensonges ou des rumeurs malveillantes fait plus de mal que de bien. Ce type de bavardage finit souvent par se transformer en harcèlement, qu’il vaut mieux étouffer dans l’œuf—en confrontant, en discutant, et si nécessaire, en se séparant.
L’excuse : commérer est dans notre nature
Mais… “Il n’y a qu’une chose pire que d’être l’objet de ragots, c’est de ne pas l’être du tout” si l’on en croit Oscar Wilde. Les ragots font partie intégrante de l’être humain.
La sagesse managériale classique affirme que les commérages sont destructeurs dans une culture organisationnelle saine… Pourtant, les recherches anthropologiques montrent que l’échange informel d’informations remplit une fonction sociale essentielle.
“Il n’y a qu’une chose pire que d’être l’objet de ragots, c’est de ne pas l’être du tout”
(Oscar Wilde)
Fait 1 : Cela révèle quelque chose sur la culture d’entreprise
Qu’un collègue arrive en short et sandales, ou ne se mette à son bureau qu’à 9h30 ? Ces commérages illustrent quels comportements sont tolérés au sein d’une organisation. Ce sont des “règles non écrites”, bien utiles pour les nouveaux arrivants !
Vous vous écartez de la norme dans votre équipe ? Vous adoptez un comportement perçu comme “asocial” ? Les commérages servent alors de signal d’alerte. Grâce à ces avertissements implicites, les collègues apprennent à qui ils peuvent faire confiance ou non.
Les commérages illustrent les règles non écrites : utiles pour les nouveaux employés !
Fait 2 : Les ragots créent des liens
Partager des anecdotes personnelles anodines renforce les liens sociaux entre collègues. Cela génère un sentiment de sécurité et jette les bases de la confiance. Résultat ? Une meilleure collaboration et un engagement accru—envers les collègues et l’entreprise.
Charlotte De Backer, spécialiste des ragots et professeure à l’Université d’Anvers : “Les gens aiment se sentir confirmés dans leurs ressentis. Cela leur montre qu’ils ne sont pas seuls et qu’ils font partie d’un groupe. Par exemple, si vous ressentez une antipathie pour un collègue, ça fait du bien de constater que d’autres ressentent la même chose. Cela crée un lien, même avec des gens que vous connaissez peu.”
“Les gens aiment se sentir confirmés dans leurs ressentis.
Ils se sentent moins seuls et davantage intégrés au groupe.”(Charlotte De Backer, Université d’Anvers)
Fait 3 : Cela permet de rester connecté à ce qui se passe
La communication informelle révèle en temps réel ce que les gens ressentent, pensent, et ce qui se trame en coulisses. Elle met en lumière des tensions, des mécontentements vis-à-vis de certaines décisions ou des conflits latents, bien plus vite que les canaux formels de feedback.
Un manager à l’écoute captera ces signaux précocement. Il reste ainsi connecté au ressenti de l’organisation. Les sujets qui reviennent fréquemment dans les commérages peuvent signaler des angles morts : des domaines où l’organisation n’est pas à la hauteur. Autrement dit, un commérage est le symptôme d’un problème plus profond.
Les sujets fréquemment au cœur des commérages sont parfois des angles morts.
Fait 4 : Les commérages soulagent
Chaque lieu de travail connaît des tensions. Vouloir les étouffer en sanctionnant toute forme de ragot ? Cela produit souvent l’effet inverse. Toute organisation a besoin d’un espace pour évacuer la pression, dans certaines limites. Vos collaborateurs se sentent-ils écoutés ? Vous éviterez alors des conflits majeurs.
Le commérage sert souvent à mettre en garde—contre des collègues jugés moins fiables, par exemple. Pour les collaborateurs soucieux du bien commun, un moment de ragots inoffensifs peut avoir un effet libérateur.
Quand la communication formelle échoue, les ragots peuvent diffuser le bon message très rapidement. Ils favorisent les échanges inter-équipes, et rendraient les collègues moins égoïstes, voire plus généreux. En bref : les ragots ont toute leur utilité, et peuvent même devenir une source d’information précieuse en entreprise. Une commère sommeille en vous ? Laissez-la s’exprimer !
À écouter :
Envie de savoir pourquoi on aime tant commérer ?
La professeure Charlotte De Backer vous l’explique dans ce podcast.
Sources :
- www.peoplemanagingpeople.com; ‘Whispers with Benefits: 7 Reasons to Embrace Office gossip’
Texte : Tine Sinnaeve





